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Groenland et Labrador sauvages : un produit nordique d’exception, signé Adventure Canada (reportage)



Au coeur du parc national des monts Torngat. Photo par Scott Sporleder.
Au coeur du parc national des monts Torngat. Photo par Scott Sporleder.
Anne Pélouas ---------------------- La brochure d’Adventure Canada promettait une véritable « croisière d’expédition », débutant au nord du cercle polaire arctique, côté ouest du Groenland et se poursuivant le long de la côte du Labrador avec retour en douceur par le nord de Terre-Neuve.

L'Ocean Endeavour à l'ancre
L'Ocean Endeavour à l'ancre
Au menu du périple de 14 jours accompli fin septembre-début octobre: la majesté des sommets et parcs nordiques, des fjords et des archipels à n’en plus finir, des sites historiques, une nature généreuse en chaudes couleurs automnales mais aussi de la neige poudrant les sommets, quelques icebergs et ours polaires… Ajoutez-y des repas préparés sous la houlette d’un grand chef français, la riche programmation de conférences en lien avec la destination et des rencontres fortes avec quelques guides inuits: de quoi très bien remplir ses journées en plein air comme intellectuellement...

Le bateau
L’Ocean Endeavour n’est pas de la première jeunesse, ce qui ne l’empêche pas d’avoir fière allure. Long de 137 mètres et portant pavillon des Bahamas, il a été construit en Pologne en 1982 et a d’abord servi de traversier en mer Baltique pour l’Union soviétique, puis a été plusieurs fois transformé et rénové. Il est apte - avec sa double coque et la force de ses moteurs - à affronter les conditions de glace de l’Arctique comme de l’Antarctique. Sa taille lui permet de pénétrer dans de petits fjords, d’approcher davantage des cotes que d’autres. Elle favorise aussi les échanges entre passagers, équipage et équipe d’Adventure Canada, un plus de ce type de voyages.


A la table du chef françis A Itoumbou
A la table du chef françis A Itoumbou
À bord, 101 membres d’équipage, plus une quarantaine pour Adventure Canada étaient aux petits soins de 188 passagers. Dix catégories de cabines, incluant quelques suites, leur étaient offertes sur quatre ponts. A noter : « les voyageurs seuls ne paient pas de supplément dans les catégories 3 à 7, ce qui est rare dans ce segment de marché », souligne Bill Evans, vice-président Finances d’Adventure Canada, qui prenait part à l’expédition.

L’équipage se fait un point d’honneur d’atteindre les plus hauts standards en terme d’hygiène à bord, reconnus par les inspections de Santé Canada, particulièrement en cuisine. Attenante à celle-ci, la salle à manger est spacieuse et quatre salons permettent de profiter de la bibliothèque, de prendre un verre ou un thé, d’écouter une conférence ou un concert, de regarder un film ou de monter sur la piste de danse, de faire du yoga ou du stretching, de participer à une chorale ou à un atelier d’aquarelle dans les « temps morts » de la croisière… Autant dire qu’avec les « obligatoires » sorties à terre et celles sur les ponts afin d’admirer le paysage, il n’y a pas grand place à l’ennui !

Le pimpant village de Kamaariut
Le pimpant village de Kamaariut
Adventure Canada
La compagnie ontarienne fête ses 30 ans d’existence cette année. Créée par Matthew Swan et aujourd’hui dirigée par sa fille Cedar Swan, l’entreprise familiale a fait sa marque dans le monde des croisières d’expédition, notamment en Arctique et Antarctique. Elle se distingue sans nul doute par les valeurs qu’elle défend : des pratiques écotouristiques affirmées; un accès à la culture locale authentique avec, pour cette croisière-ci, des guides-interprètes inuits, originaires du Groenland et du Labrador; le partage de connaissances, avec la présence de scientifiques, de photographes, d’explorateurs et d’artistes inuits de renom; des partenariats forts avec Parcs Canada, WWF-Canada, Nikon Canada (pour le prêt d’équipement photo), l’Explorers Club et plusieurs organismes inuits.

Photo par Jean Weller
Photo par Jean Weller
Adventure Canada appuie aussi les communautés visitées, notamment en accueillant quelques jeunes inuits à bord pour un programme de formation touristique. La compagnie gère enfin un « fonds de découverte » auquel contribue chaque passager et qui sert à financer des projets de nature sociale, économique ou environnementale dans ces villages.

« Ce qui nous distingue de la concurrence, estime M. Evans, c’est qu’on mise sur l’expérience-client et l’expérience-destination en proposant à la fois des visites dans des lieux magiques, naturels ou culturels, et des échanges de haute qualité avec des experts, le tout dans une ambiance conviviale. Nous avons le souci du détail, de la nourriture à la sécurité, et le ratio passagers/personnel est l’un des plus élevés de l’industrie. Nous entretenons des relations étroites avec les communautés visitées et, pour ce voyage-ci par exemple, plusieurs Inuits qui y habitent font partie intégrante de notre équipe de guides et conférenciers ».

Passagers et équipe d' Adventure Canada
Passagers et équipe d' Adventure Canada
Le personnel du siège social de l’entreprise (à Mississauga) est également très présent à bord. PDG, vice-président mais aussi comptable, responsable du service-client… figurent dans l’équipe de la croisière. « Participer à au moins une expédition par an est une obligation mais peu s’en plaignent, avoue M. Evans. Cela nous donne une meilleure appréciation du programme et de la façon de vendre une destination. Et rien ne nous empêche de nous réunir comme au bureau et de discuter de certains dossiers. Cette fois-ci, par exemple, on a remarqué que les habitués des croisières portaient des vestes de nos concurrents. On songe à en faire faire une et à l’offrir à nos clients ! »

Photo par Dennis Minty
Photo par Dennis Minty
L’écotourisme à la mode Adventure Canada
Au chapitre des bonnes pratiques en matière de tourisme responsable et de développement durable, la compagnie se veut exemplaire. Le bateau a des moteurs à la fine pointe de l’efficacité énergétique, souligne Eckart Rickly, directeur des opérations hôtelières à bord de l’Ocean Endeavor. En visite dans la grande cuisine, avec hublots, il nous explique que les pertes alimentaires sont réduites au minimum. Les ordures restent à bord, une bonne partie de l’eau potable est de l’eau de mer dessalée et le recyclage est de mise. Seul bémol : il n’y a pas de boites de recyclage dans les cabines, ni les espaces communs. Les achats sont faits localement le plus souvent possible : au Canada pour la majorité des denrées; via un distributeur danois, lorsque le bateau accoste au Groenland; dans les villages inuits pour quelques produits frais qui agrémentent les repas ou apéritifs, notamment pour les poissons, la viande de caribou ou de bœuf musqué.

Dans un fjord du Labrador
Dans un fjord du Labrador
Vis-à-vis de la faune, notamment des ours polaires ou des baleines, les guides s’en tiennent à bonne distance, en zodiac comme lors des sorties à terre. Les passagers sont eux-mêmes invités à un code strict de bonne conduite. On ne jette rien; on ne ramasse rien, pas même une pierre; on fait preuve de respect envers les habitants des villages et les sites archéologiques visités.

Prêt au débarquement
Prêt au débarquement
« Voyageurs » demandés
La clientèle en est une de « voyageurs » plutôt que de touristes, soulignait au départ de Toronto (en vol nolisé Air Transat) Cedar Swan qui dirigeait l’équipe Adventure Canada de cette croisière avec son mari Jason Edmonds, chef d’expédition et Inuit de naissance! « Nos passagers sont avides de découvrir et d’apprendre mais aussi capables de s’adapter au changements de programmes qui sont fréquents dans des zones nordiques aussi reculées », précisait ce dernier. « Le mauvais temps ou la présence de glaces inhabituelles peuvent nous faire changer d’itinéraire, ajoutait-il, mais rassurez-vous, nous avons toujours de beaux plans B à vous offrir comme activités ». Un jour, pour nous, ce seront un ours polaire et un ours noir, bien installés aux deux extrémités du parcours que nous devions suivre à pied pour aller voir des chutes dans le parc national des monts Torngat. Ils forceront le groupe, pour des raisons de sécurité, à rester dans les zodiacs et à aller voir les chutes par la voie des eaux, au fond d’un superbe canyon.

En marche sur le tapis coloré de la toundra
En marche sur le tapis coloré de la toundra
Pleins feux sur l’avenir
La clientèle d’Adventure Canada est à 80 % canadienne, surtout anglophone et plutôt fidèle, avec un taux de retour d’au moins 20 %. Bill Evans aimerait bien voir plus de passagers québécois et non seulement sur des itinéraires dédiés comme celui du fleuve Saint-Laurent. Pour les attirer, il promet des voyages « plus bilingues » dans le futur, avec une partie du personnel et des experts capables de parler français.

L'artiste en résidence Alan Stein au travail
L'artiste en résidence Alan Stein au travail
Parmi les expéditions proposées chaque année, le Passage du Nord-Ouest demeure le plus populaire de la compagnie mais elle a bien l’intention de ne pas s’endormir sur ses lauriers. En 2018 naitra un nouvel itinéraire autour de l’Écosse, en version « lente », et un autre autour de l’Islande. Adventure Canada fera néanmoins surtout la promotion de sa « saga Atlantique-Nord » qui proposera pour la première fois « 33 nuits entre l’Écosse, les îles Féroé et l’Islande », précise M. Evans. Pour 2019, l’entreprise mise aussi sur deux nouvelles destinations, le long de la côte ouest du Groenland et autour de l’Irlande.

Sur la côte colorée du Labrador
Sur la côte colorée du Labrador
Un marché toujours plus concurrentiel
À en croire Eckart Rickly, qui roule sa bosse depuis longtemps en mer, le marché des croisières d’expédition risque fort d’exploser dans les prochaines années. Quatre nouveaux navires ont été mis à l’eau cette année et vingt sont en cours de construction. Ils devraient être livrés d’ici huit mois. « La concurrence ne nous fait pas peur, affirme toutefois M. Evans. La clientèle va grossir. Ces navires ne sont pas tous conçus pour les zones polaires et ça va prendre deux ans avant qu’ils soient réellement opérationnels »…


Au camp de base du parc national des monts Torngat
Au camp de base du parc national des monts Torngat
L’avis d’une experte
Spécialiste des croisières et voyages de groupe pour Merit Travel, Lise Beaulieu Coghlan dirige l’agence de Kingston (Ontario). Elle était invitée à bord, comme sept autres agents de voyage. Pour elle, il est clair que les touristes d’aujourd’hui sont « à la recherche de nouvelles expériences » et une expédition comme celle-ci en est une de choix, notamment pour les séniors. Mais elle ne s’adresse pas à tout le monde et « je ne la conseillerai pas aux princesses », dit-elle. Adventure Canada ne propose pas, il est vrai, une croisière luxe 5 ou 6 étoiles. Le plus important sur un tel navire, ce ne sont pas les cabines, selon Mme Beaulieu Coghlan, mais l’expérience proposée: visiter des lieux inconnus et isolés, faire appel à l’intelligence des passagers en leur proposant une gamme impressionnante de conférences et témoignages d’experts : archéologue, biologiste, historien, géographe, plongeuse, guide inuit…

« Ce bateau, c’est comme une université sur l’eau », ajoute-elle. Entre deux sorties à terre, les journées s’égrènent avec la présentation d’une recherche scientifique en cours, d’un film sur la plongée au coeur d’un iceberg, d’un exposé sur les anciennes missions moraves au Labrador… Et quand on sort à terre, « avoir un parc national comme celui des monts Torngat juste à nous, ça n’a pas de prix » ! Ce périple l’a convaincue de mettre deux premières expéditions d’Adventure Canada à son programme de 2019 : le tour de l’Islande pour un groupe de 30 personnes et l’est du Groenland pour un autre.



Randonnée sur les hauteurs de Nain au Labrador
Randonnée sur les hauteurs de Nain au Labrador
Mes coups de cœur …
- l’organisation irréprochable de la croisière.
- le chef français Francis A Itoumbou et sa cuisine de haute tenue
- le pimpant village de Kangaamiut au Groenland
- toute la côte du Labrador : parc national des monts Torngat, site morave de Ramah, ancien site baleinier de l’île Grady.
- le parc national Terra Nova, au nord-est de Terre-Neuve.
- la morue ultra-fraîche rapportée de St. Johns…




Après un bain nordique dans la mer du Labrador
Après un bain nordique dans la mer du Labrador

Mercredi 15 Novembre 2017 - 08:22






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