Vous lisez J'ai mon voyage!

Terre-Neuve : le Fogo Inn, un modèle unique de développement



Le Fogo Inn à Joe Batt's Arm.
Le Fogo Inn à Joe Batt's Arm.
Texte et photos : Yves Ouellet ----Dernier d'une série de 3 reportages sur un phénomène totalement inhabituel dans l’industrie touristique : l’apparition d’une nouvelle destination québécoise et canadienne ainsi que d’un circuit touristique routier qui s’imposera inévitablement comme un must pour les amateurs de tourisme d’aventure. Notre collaborateur, Yves Ouellet, a parcouru durant six semaines cette nouvelle loupe de 7 000 km. Aller au début du reportage


Fogo Inn : une architecture unique.
Fogo Inn : une architecture unique.
« Sans le Fogo Inn, personne n’aurait jamais entendu parler des Îles Fogo, » me répond notre guide Klem Dewer. Ce beau grand bonhomme, conteur exceptionnel et intarissable, est né sur l’île. À Tilting. Comme son père. Son grand père et ses ancêtres irlandais depuis le 18e siècle.

Aujourd’hui, le monde entier connaît Fogo grâce à un hôtel éblouissant, le projet fou de Zita Cobbs, une femme d’affaires qui a fait fortune dans le secteur de la haute technologie. Retraitée à 42 ans, elle est revenue sur son île natale pour tenter de la faire revivre.

Elle a commencé par une fondation qui donnait des bourses aux jeunes pour étudier à l’extérieur. Jusqu’à ce qu’elle se fasse apostropher par une insulaire qui lui reprochait de saigner l’île de ses jeunes plutôt que de leur proposer du travail sur place. C’est alors qu’est né le projet d’un hôtel unique au monde par son architecture, son emplacement au milieu d’un village de pêcheurs perdu sur une île du bout du monde, de même que sa vocation farouchement artistique.

L’authenticité plutôt que le luxe
J’ai eu le privilège de visiter l’hôtel et d’y partager un repas avec Klem et j’avoue y avoir trouvé beaucoup plus d’authenticité que de luxe clinquant. Tout y évoque l’histoire et les traditions de Fogo, dans un environnement structural hallucinant. L’architecte terre-neuvien Todd Saunders, qui habite aujourd’hui en Scandinavie, a traduit l’austérité de la nature insulaire par des lignes verticales et des angles acérés qui s’élancent vers la mer en contraste avec les rondeurs des résurgences granitiques du sol. L’extérieur n’offre jamais la même perspective selon l’angle dont on l’observe mais les longs pilotis qui supportent une partie du bâtiment évoquent les quais traditionnels des pêcheurs de morue qui ont vécu ici depuis quatre siècles.

Fogo Inn: la chambre standard.
Fogo Inn: la chambre standard.
L’intérieur
Boiseries, lattes de bois étroites comme dans les maisons d’autrefois qu’on peut visiter, chauffage au bois et parfum piquant qui l’accompagne, tapisseries de papier peint aux motifs créés sur mesure, tapis crochetés (une spécialité régionale) dont les motifs racontent les 7 saisons de l’île ou les moments forts de l’histoire locale, courtepointes réalisées par les artisanes locales qui ont élevé au niveau de l’art cet artisanat qui récupérait autrefois les vieux tissus… Une salle de cinéma en rouge et noir présente exclusivement les films de l’ONF dont The Children of Fogo Island, réalisé par Colin Low en 1967.

Toutes les chambres (800 $ à 3 000 $ la nuit) ont une pleine fenestration sur le mur extérieur ouvrant sur la mer, ce qui permet d’observer les baleines ou les icebergs à partir de son lit. La cuisine est typiquement insulaire, favorisant naturellement le poisson et les fruits de la mer, mais elle apporte une touche de raffinement, de couleur et d’originalité en renouvelant le genre.


Le studio de Deep Bay
Le studio de Deep Bay
Un projet artistique et social
La dimension artistique du projet s’est matérialisée avec l’aménagement d’une grande salle d’exposition qui privilégie l’art contemporain et qui accueille jusqu’au 9 octobre une installation énigmatique de l’artiste allemand Wilfrid Almendre : Light boiled liquid soap.
À cela s’ajoute 6 ateliers d’artistes dispersés sur l’île où des créateurs sont invités en résidence grâce à la Shorefast Foundation que Zita Cobbs a mis sur pied et qui gère l’hôtel. Les profits générés par cette entreprise sociale sont remis à la communauté.
La plupart de ces ateliers de styles contemporain sont de petites « maisons croches », comme on dit ici, et ne servent que pour le travail. On les trouve un peu partout sur le territoire, au bord de plans d’eau ou les pieds dans la mer, sur des sites toujours inspirants. Une d’entre elles, à Tilting, est aussi immense qu’impressionnante et sert également d’habitation.

À Joe Batt’s Arm, où il se trouve, et sur l’île de Fogo, l’hôtel fait travailler environ 75 personnes en plus de dizaines d’autres, artisanes, artistes, entreprises de services et personnes impliquées dans tous les secteurs de l’industrie touristique. Pour étoffer l’expérience des visiteurs, on a magnifiquement aménagé des dizaines de kilomètres de sentiers pédestres enchanteurs qui longent le rivage ou mènent aux ateliers.

Le grand studio de Tilting.
Le grand studio de Tilting.
Les revers le l’histoire
Fogo, depuis l’arrivée des Irlandais, des Français et des Anglais, au 18e siècle, n’a essentiellement vécu que de la pêche à la morue, dans le système féodal des négociants de poisson qui les maintenaient en esclavage. « On était pauvres, mais tout le monde était pauvre. C’était tout ce qu’on connaissait. Alors, nous étions heureux quand même et nous profitions de chaque moment de la vie, » se souvient Klem. La saison de pêche à la morue et les travaux d’apprêtage, de salage et de séchage étaient suivis par la cueillette des petits fruits, la coupe du bois, la chasse aux canards, la chasse aux phoques, les jeux printaniers sur les glaces en débâcle… Autant de saisons différentes pour les enfants de Fogo.
Lors du moratoire sur la pêche à la morue, en 1992, Fogo a failli s’éteindre avec les politiques de délocalisation mises en place. C’est la création d’une coopérative de pêcheurs qui a sauvé la mise, permis la diversification de la pêche et la transformation des produits halieutiques, en créant une prospérité nouvelle qui se perpétue depuis.

Le traversier de Fogo.
Le traversier de Fogo.
Aujourd’hui, le vieux traversier, jamais à l’heure mais toujours au poste, fait descendre à reculons des centaines de voitures de touristes tous les jours, les plus fortunés et les vedettes hollywoodiennes arrivant en avion ou en hélicoptère, et Fogo suffit difficilement à la demande grandissante. Les vieilles maisons se restaurent les unes après les autres, peintes en rouge sang de bœuf ou des couleurs vives des bateaux. Les anciens hangars sur pilotis des pêcheurs deviennent les Salt Boxes rénovées pour héberger des visiteurs. Les boutiques, les sheds festoyantes et les musées poussent partout et Fogo est aux anges !

Fogo Inn : fogoislandinn.ca

Aller au début du reportage

Tilting et les salt boxes.
Tilting et les salt boxes.

Mercredi 24 Août 2016 - 07:56






Inscription à la newsletter