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La Flandre se souvient de 14 - 18 (reportage)



La ville d'Ypres qui a été le théâtre de trois grandes batailles est entourée de 170 cimetières.
La ville d'Ypres qui a été le théâtre de trois grandes batailles est entourée de 170 cimetières.
Texte et photos : Yves Ouellet ----- La Grande Guerre fait toujours partie de la réalité quotidienne des Flamands, ne serait-ce qu’à cause des 170 cimetières militaires qui entourent la ville d’Ypres, théâtre de trois batailles dont la cruauté à dépassé l’entendement. Il y 100 ans que la Flandre refuse d’oublier ce cauchemar et cette région de la Belgique se prépare à accueillir des masses de touristes pour se souvenir de la Première Guerre Mondiale.

La reconstruction d'Ypres a duré jusqu'à la seconde guerre mondiale.
La reconstruction d'Ypres a duré jusqu'à la seconde guerre mondiale.
Ypres, la ville martyre, voisine de Bruges et de Gand, sera au centre de cette grande commémoration comme elle a été au cœur de l’action tout au long de la Première Guerre Mondiale. Stratégiquement située à 10 km de la frontière française et à 60 km de la mer, elle a été totalement détruite, sa reconstruction s’étant poursuivie jusqu’après la Deuxième Guerre. Il faut voir les photos prises au lendemain du conflit pour comprendre l’ampleur de cette dévastation systématique après laquelle ne sont restés debout que l’arche d’entrée du cloître Saint-Martin et la base de deux murs de la Halle aux draps. Reconstituée brique par brique, pierre par pierre, elle a depuis retrouvé tout son charme et son cachet historique, elle qui fut la grande cité drapière d’Europe à l’époque médiévale.

L'ancienne halle aux draps est devenue le musée In Flanders Fields.
L'ancienne halle aux draps est devenue le musée In Flanders Fields.
Sa Grand-Place, entourée de terrasses, de restaurants et de boutiques, grouille de vie jusqu’aux petites heures, ses monuments historiques fascinent et ses quartiers historiques sont des plus agréables.

Les origines de cet édifice imposant qu’est la Halle aux draps, l’un des plus grands bâtiments civils de style gothique en Europe, remontent au 13e siècle et son beffroi massif s’élève à 70 mètres de hauteur. On peut maintenant monter jusqu’au sommet du beffroi pour admirer la ville et la campagne environnante, ce qui s’avère très important à la compréhension de ce qui s’est passé entre 1914 et 1918 puisqu’on discerne bien l’étendue de cette immense plaine devenue champ de bataille et la situation défensive d’Ypres sur un monticule qui suit la rivière.


De nombreux Canadiens viennent en Flandre pour retrouver un parent mort à la guerre.
De nombreux Canadiens viennent en Flandre pour retrouver un parent mort à la guerre.
Le nouveau musée In Flanders Fields
L’immense Halle aux draps, qui domine les abords de la Grand Place, est devenue le musée In Flanders Fields, qui a subi une rénovation en profondeur et qui a inauguré l’an dernier une grande exposition sur les batailles des Flandres. Le musée sera d’ailleurs au centre des activités commémoratives de 2014. Il accueille une exposition qui utilise les technologies les plus avant-gardistes pour faire connaître l’histoire des trois grandes batailles qui se sont déroulées dans cette région de la Flandre tout en essayant d’associer le plus intimement possible le visiteur à ces pages de l’histoire. La dimension interactive de cette exposition s’avère particulièrement importante. Le visiteur porte un bracelet électronique dans lequel sont enregistrées quelques informations minimales comme son lieu de provenance et son nom (chacun reste libre de donner ces informations). Cela permet de recevoir des informations ciblées sur les bornes interactives dispersées au fil de l’exposition. Par exemple, si vous êtes Québécois et vous appelez Tremblay, on vous parlera du Royal 22e Régiment qui a été impliqué dans ces batailles et on retrouvera peut-être un ancêtre mort au combat et enterré dans un cimetière de la région. Et si vous souhaitez pousser plus loin la recherche, une préoccupation qui anime près de 20% des visiteurs dont plusieurs canadiens, le centre de recherche du musée, sa bibliothèque et sa salle de lecture sont mis à votre disposition.



Les clairons résonnent chaque jour sous la porte de Menin depuis 1927.
Les clairons résonnent chaque jour sous la porte de Menin depuis 1927.
Porte de Menin
Ypres se laisse parcourir à pied facilement et fort plaisamment. La ville perpétue sans relâche la mémoire de la Grande Guerre avec ses monuments, ses références historiques et ses boutiques de souvenirs qui affichent les drapeaux alliés, dont celui du Canada qu’on voit partout. On trouve même deux boutiques spécialisées dans la vente d’artefacts de la Première Guerre, un commerce qui laisse perplexe.
Toutefois, l’incarnation la plus vive du souvenir est vécue au Mémorial de la Porte de Menin, un arc de triomphe sur lequel sont gravés les noms de 54 896 soldats du Commonwealth, dont quelques Québécois du 13e Bataillon de fusiliers à cheval (Royal Highlanders) et du Royal 22e Régiment. Depuis l’inauguration du mémorial, en 1927, les clairons de la brigade des pompiers y résonnent chaque fin de journée, à 20h00, lors de la cérémonie du Last Post durant laquelle des étudiants et des familles, dont plusieurs canadiens, viennent déposer des couronnes de fleurs et honorer « ceux qui sont morts pour la liberté ».

Le tour des cimetières
La tournée des cimetières et des monuments commémoratifs est un incontournable dans la région flamande des champs de bataille de la Grande Guerre. Près d’un demi-million de combattants des deux camps sont tombés dans les environs d’Ypres. Ils étaient immédiatement enterrés aux abords des champs de bataille et, dans les années qui suivirent la guerre, on a aménagé des cimetières qui se démarquent par leur symétrie et qui regroupent les victimes du Commonwealth ou des autres pays impliqués, incluant l’Allemagne. Un grand nombre de soldats, dont on n’a pas retrouvé la plaque matricule, n’a pu être identifié. Ce qui explique l’abondance de pierres tombales avec la simple mention : « A Soldier of the Great War ».


La tombre de V.J. Strudwick dans le cimetière d'Essex Farm.
La tombre de V.J. Strudwick dans le cimetière d'Essex Farm.
Essex Farm
Le cimetière Essex Farm reste l’un des plus intéressants avec celui de Passchendaele (Tyne Cot). Essex Farm se distingue du fait qu’on y trouve les vestiges d’une infirmerie de campagne, sorte d’abri de ciment où les victimes étaient amenées des tranchées du saillant d’Ypres situé tout près. Les troupes canadiennes y ont d’ailleurs été les premières de l’histoire à être exposées aux armes chimiques, les Allemands utilisant d’abord le chlore, dès 1915, puis le gaz moutarde. La sépulture la plus fleurie du cimetière d’Essex Farm est celle d’un jeune fusilier de 15 ans, V. J. Strudwick, qui, comme des milliers d’autres, a dissimulé son âge pour s’enrôler.


Le cimetière Tyne Cot à Passchendale abrite 12 000 morts dont 1011 Canadiens.
Le cimetière Tyne Cot à Passchendale abrite 12 000 morts dont 1011 Canadiens.
Passchendaele
À Passchendaele, minuscule village qu’évitent les autocars de touristes, le vaste cimetière Tyne Cot abrite les tombes de près de 12 000 morts (1 011 canadiens) et les noms de près de 35 000 autres sont gravés sur l’enceinte de l’imposante nécropole. À ce lieu émouvant s’ajoute un centre d’interprétation d’architecture sobre et moderne, fascinant par son contenu qui présente des lettres qu’adressaient les soldats à leur famille à partir du front, des photos des disparus ainsi que nombre d’objets qui, comme les corps des hommes, ont sombrés dans la boue durant l’affrontement mais continuent encore aujourd’hui d’émerger des terres agricoles depuis un siècle lors des labours. Lors de la troisième bataille d’Ypres, l’armée britannique a perdu près de 300 000 hommes pour reprendre le village en ruine. C’est alors que les Anglais ont nommé l’endroit « passion dale » ou « la vallée de la souffrance ». Il s’agit du plus important cimetière britannique en dehors de la Grande-Bretagne. À la demande du Roi Georges V, on y a élevé la Croix du sacrifice au dessus d’un bunker utilisé par les Allemands jusqu’à la prise des lieux, en octobre 1917.


Le cimetière américain a récemment reçu la visite de Barak Obama.
Le cimetière américain a récemment reçu la visite de Barak Obama.
Langemarck
Quant aux Allemands, leur pertes ont été aussi massives que celles des alliés et leurs 134 000 morts ont aussi été enterrés sur place. On comptait environ 150 cimetières allemands après la guerre. On les a regroupés dans quatre emplacements en 1954 et le cimetière militaire de Langemarck s’avère le plus important en perpétuant le souvenir de 44 500 soldats dont près de 25 000 se retrouvent dans un tombeau commun aménagé sous terre, à l’entrée du site. Il règne une ambiance troublante dans cette nécropole paisible et boisée, habitée par des ombres dramatiques et dans laquelle on a préservé deux bunkers qu’Hitler a visités en 1940.

Les Américains possèdent également 2,5 hectares de terrain sur le champ de bataille de Weregen, qu’ils ont aménagés à l’ombre du drapeau, comme un vaste jardin planté de croix de marbre immaculées, dans une symétrie théâtrale. Le décor de marbre de la petite chapelle qui se dresse au centre du Flanders Field American Cemetery est particulièrement remarquable.
Quant au Canada, il a rendu hommage à ses combattants tombés au champ d’honneur en leur élevant un monument impressionnant et poignant dans le parc verdoyant du Mémorial Saint-Julien.

Repères
Ville d’Ypres: toerisme-ieper.be/fr
Musée In Flanders Fields : inflandersfields.be

Un détail du mémorial canadien.
Un détail du mémorial canadien.

Vendredi 9 Mai 2014 - 08:26






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